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MAITRISE ORTHOPEDIQUE
: Et depuis quand exer-
cez-vous?
A.M. :
Depuis décembre 1994
quand je suis revenu de l'étran-
ger. J'ai commencé comme
chirurgien orthopédiste poly-
valent avec un penchant pour
les arthroplasties. Mais au
départ, du moins jusqu'à ce que
vous commenciez à être connu,
les gens n'ont pas tendance
à venir vous voir pour une
prothèse. Ils viennent à vous
pour toutes sortes de patho-
logies ; mais j'ai graduellement
réussi à me centrer sur les ar-
throplasties et à présent prin-
cipalement sur celles du genou.
Surtout PTG, Uni, Fémoro-
patellaire. Je fais quelques pro-
thèses bicompartimentales et
bien sûr des reprises. Mais je fais
aussi des PTH et des reprises
difficiles de prothèse totale de
hanche. Quand j'ai commencé,
je faisais même des arthroplas-
ties du membre supérieur
parce que j'avais beaucoup de
patients atteints de polyarthrite
rhumatoïde et que j'avais suivi
une formation en chirurgie de
l'épaule et du coude. Par consé-
quent, cela me plaisait de faire
toutes les formes d'arthroplas-
tie.
: Combien faites-vous
de genoux par mois?
A.M. :
Environ 70-80 en
moyenne. Je dirais que nous
faisons environ 900 à 1 000
opérations par an.
: En Inde, quelle est la
différence entre pratique pu-
blique et privée?
A.M. :
En Inde, nous sommes
formés dans les hôpitaux
d'enseignement, qui sont des
hôpitaux publics. La quali-
té des soins dans ces hôpi-
taux n'est pas aussi bonne que
dans un hôpital privé avec une
grande différence en termes
d'hygiène et de confort. La
compétence des soignants est
très bonne et les chirurgiens
sont hautement qualifiés, mais
les installations sont loin d'être
à la hauteur de celles d'un hôpi-
tal privé. Les patients dans les
hôpitaux publics proviennent
généralementdescouchessocio-
économiques défavorisées de
la société. Comme ils affluent
souvent de toutes les parties
de la ville, de la région ou du
pays, cela crée des problèmes
de surpopulation. Le nombre
de lits des hôpitaux publics est
limité, mais notre population
est énorme et nous ne pouvons
pas refuser ces patients. Donc,
si une salle contient officielle-
ment 20 lits, il est possible d’y
trouver jusqu'à 60 patients. Un
sous le lit, un de chaque côté
du lit, de sorte que vous avez
toujours plus de patients que la
capacité prévue. Bien sûr, cela
pose des problèmes d'hygiène
et de promiscuité, car les salles
n'ont pas été conçues pour
abriter autant de personnes.
Ainsi, bien que le personnel
soit bien formé, ce ne sont pas
les hôpitaux que choisissent les
personnes aisées ou qui ont une
assurance. Quand vous pouvez
vous le permettre, vous allez
dans un hôpital privé.
: Comment ça marche
avec les assurances?
A.M. :
Environ 25 % des per-
sonnes qui se présentent dans
un hôpital privé ou qui de-
mandent des soins privés sont
couvertes par une assurance.
Pas nécessairement entière-
ment couvert ; cela dépend de
la prime qu'ils ont choisi. Elle
peut ou pas couvrir toutes les
dépenses pour une prothèse,
mais elle en couvrira une par-
tie. En fonction de votre ni-
veau d'assurance, vous finirez
par payer une partie de votre
intervention. Environ 1/4 des
patients ont une assurance et
les autres paient tous les frais
avec leurs propres deniers.
Beaucoup de travailleurs bé-
néficient également de l’l'assu-
rance de leur 'entreprise. Dans
certains États, le gouvernement
propose des régimes dans les-
quels un montant fixe, quoique
modeste, est accordé comme
remboursement pour les pro-
thèses de genou.
: Pensez-vous que dans
l'ensemble vous avez atteint
le même standard de tech-
nique que les pays occiden-
taux en matière de PTG ?
A.M. :
Je dirais que dans l’en-
semble oui. J'ai voyagé dans de
nombreux pays et j'ai pu juger
de la qualité des soins, en par-
ticulier en Angleterre, où j'ai
travaillé pendant près de 4 ans.
Même au sein d’un même hô-
pital, il peut y avoir une diffé-
rence dans le niveau de soins et
d'expertise chirurgicale en fonc-
tion des unités et des consul-
tants. C’est la même chose
dans notre pays. Vous avez
des chirurgiens avec différents
niveaux d'expertise. Certains
sont meilleurs que d'autres,
mais dans l'ensemble je pense
que les chirurgiens indiens sont
très qualifiés. Une fois qu'ils
ont acquis une certaine tech-
nique, la plupart d'entre eux
est capable de faire de la bonne
chirurgie. Ce qui manque, c'est
vraiment l'infrastructure et les
outils de qualité comme tout
simplement de bonnes scies
ou des blocs opératoires avec
des flux laminaires. Ces choses
ne sont pas toujours dispo-
nibles dans tous les hôpitaux.
Il y a donc, malheureusement,
des variations dans la quali-
té des soins, en fonctions des
contextes hospitaliers mais cela
est aussi le cas dans des pays
occidentaux.
: Constatez-vous plus
d'infections post-opératoires?
A.M. :
Il me semble. Il y a for-
cément un taux d'infection plus
élevé lorsque les structures ne
sont pas idéales et que la qua-
lité globale de l'hygiène, tant
dans la salle d'opération qu’en
hospitalisation, est médiocre.
En plus de cela, lorsque le pa-
tient rentre chez lui, l'environ-
nement dans lequel il vit peut
laisser à désirer. Par consé-
quent, nous observons un taux
élevé d'infection en chirurgie
orthopédique en général, non
seulement avec les prothèses
mais aussi avec l’ostéosynthèse
des fractures. Dans les hôpi-
taux qui ne sont pas très bien
équipés, nous observons un
taux d'infection assez élevé.
: En dehors de l'infec-
tion, avez-vous beaucoup de
reprise de PTG?
A.M. :
Vous posez une ques-
tion importante. J'ai lu un
article américain publié dans le
JBJS où il est écrit qu'au cours
des deux ou trois prochaines
décennies, il fallait s'attendre
à une augmentation de 600 %
des reprises, ce qui est un taux
incroyablement élevé. Ils n'au-
ront peut-être pas raison, ce
ne sera peut-être pas 600 %,
mais même si ce ne sera qu’une
fraction, ce sera un nombre
énorme à traiter. En Inde,
nous faisons actuellement en-
viron 150 000 arthroplasties
par an. Il y a quelques années,
c’était à peine 5 ou 10 000, et
donc le taux de croissance est
de 11 à 12 % en Inde pour l'ar-
throplastie primaire ; et cela va
continuer à augmenter. Main-
tenant, compte tenu de notre
population, qui est de 1,25 mil-
liard de personnes, si même un
petit pourcentage d'arthroplas-
tie et de reprise ne cesse d’aug-
menter, nous n’aurons pas
assez de chirurgiens et d'argent
pour faire face à ce problème.
Donc, la reprise des prothèses
est certainement un énorme
défi. Nous avons beaucoup de
déformations extra-articulaires
et beaucoup de nos patients
ont des coxa vara, des défor-
mations sévères du fémur et
du tibia. Donc, si vous ne tenez
pas compte de la déformation
extra-articulaire et que vous ne
l’intégrez pas dans votre pla-
nification, vous risquez d'avoir
un défaut d’alignement avant
même de terminer l'opération.
Par exemple, pour la coupe
du fémur distal, la plupart des
opérateurs règlent leur guide
de coupe systématiquement
entre 5 ou 7° de valgus. Nous
avons analysé 500 patients
indiens consécutifs et nous
avons mesuré l'angle entre l'axe
mécanique et l'axe anatomique
du fémur. Dans seulement
44 % des cas, il se situait entre
5 et 7°, ce qui signifie que chez
plus de la moitié des patients, il
était inférieur à 5 ° ou supérieur
à 7°. Donc si vous réglez votre
gabarit à 5-7°, en fin d’interven-
tion vous avez une chance sur
deux d’être mal axé. Et compte
tenu du fait que beaucoup de
nos patients, malgré notre beau
soleil, souffrent d'ostéomalacie
et de carence en vitamine D et
aussi d'ostéoporose chez les
femmes âgées, un défaut d'ali-
RENCONTRE
(suite de la page 1)