F. Gadea et coll.
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Introduction
Dans la méta-analyse de Freedman
et coll.
, il
est rapporté 22 % de douleurs antérieures après
reconstruction du ligament croisé antérieur
(LCA) par tendon rotulien et 11,5 % avec les
ischiojambiers [1]. Les principaux facteurs in-
criminés dans le syndrome rotulien fonctionnel
après reconstruction du LCA sont la faiblesse
du quadriceps et dans une moindre mesure la
contracture des ischiojambiers, sans que l’on ait
réellement montré si la dysfonction musculaire
en était la cause ou la conséquence [2, 3]. S’il
existe une corrélation positive entre le déficit
musculaire postopératoire et les douleurs anté-
rieures [4, 5], il a été montré que la douleur an-
térieure retardait la récupération musculaire [6]
et que la récupération musculaire était corrélée
à la diminution des douleurs antérieures [7].
Quel que soit le type de greffe et malgré les
protocoles classiques de rééducation, les défi-
cits musculaires, 6 mois après la reconstruction
d’un LCA, sont inévitables avec des différen-
tiels moyens de 10 à 30 % [8]. De plus, à long
terme, le déficit, de l’ordre de 5 à 10 %, est très
souvent asymptomatique [6, 9-11].
L’utilisation de l’isocinétisme dans la rééduca-
tion du LCA apporte 2 nouveautés par rapport
aux techniques conventionnelles. Sur le plan
diagnostique, l’isocinétisme est capable d’éva-
luer avec précision la symétrie de chaque mus-
cle par rapport au côté controlatéral ainsi que le
ratio agoniste/antagoniste sur chaque membre
[12]. Sur le plan thérapeutique, la maîtrise de la
vitesse et des amplitudes permet de travailler
efficacement la contraction musculaire en zone
infradouloureuse, ce qui lui donne un avantage
considérable par rapport aux techniques classi-
ques y compris celles utilisant la chaîne cinéti-
que fermée [13].
L’isocinétisme a largement été utilisé dans l’éva-
luation des déficits musculaires après recons-
truction du LCA [4-6, 8-11, 14-17]. Mais à notre
connaissance, aucune étude n’a évalué, à ce jour,
l’utilisation de l’isocinétisme comme outil de
rééducation dans les syndromes rotuliens fonc-
tionnels après ligamentoplastie du LCA. Même
dans le cadre du syndrome rotulien primitif, la
rééducation isocinétique reste assez peu étudiée
avec seulement 2 séries retrouvées dans la litté-
rature, qui font état de résultats très satisfaisants
pour la diminution des douleurs [18, 19].
Notre objectif est d’évaluer l’efficacité de la
rééducation isocinétique au moyen de l’EVA et
du score IKDC subjectif dans la prise en charge
des douleurs antérieures après ligamentoplastie
du LCA. Notre hypothèse est de montrer qu’en
cas de douleurs antérieures résistantes aux
techniques de rééducation classiques, notre
protocole de rééducation isocinétique permet-
tait une diminution des douleurs et une reprise
des activités quotidiennes et sportives.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude monocentrique, rétrospec-
tive portant sur l’ensemble des patients présen-
tant une douleur antérieure invalidante dans les
suites d’une reconstruction du LCA, pris en
charge par un protocole de renforcement mus-
culaire isocinétique. Pour être inclus, la pre-
mière séance de rééducation isocinétique doit
avoir été réalisée dans les 3 ans suivant la liga-
mentoplastie. Afin de minimiser les facteurs de
confusion, les patients ayant présenté une ré-
intervention pour rupture itérative précoce –
arbitrairement fixée à 3 ans suivant la première
ligamentoplastie, ainsi que ceux dont le déficit
musculaire du quadriceps était inférieur à 15 %
par rapport au côté non opéré ont été exclus. En
revanche les patients réopérés pour une cure de
cyclope ont été inclus.
La population est composée de 48 patients. Il y
a 27 femmes pour 21 hommes. L’âge moyen au
moment de la chirurgie est de 35 ans (16-55).
Six 6 patients sont repris pour cure de cyclope.
Les greffes utilisées se répartissent en 18 trans-
plants libres de tendon rotulien (TR), 26 Droit-
Interne-Demi-Tendineux (DIDT), 3 Demi-
Tendineux (DT) et 1 transplant libre de tendon
quadricipital (TQ). Afin d’avoir le maximum
de puissance, les greffes sont réparties en
2 groupes : appareil extenseur et ischiojam-
biers. Le délai moyen entre la ligamentoplastie
et la première séance d’isocinétisme est de
11 mois (4-35 mois).