Evaluation d’un protocole de rééducation isocinétique…
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dèle
in vivo
de déficit d’extension. Ces résultats
font penser que le déficit d’extension en post-
opératoire est un facteur péjoratif du résultat de
la ligamentoplastie. Ceci rejoint les résultats de
Natri qui avait montré, dans une population de
LCA reconstruits, le lien entre le déficit d’ex-
tension et le déficit musculaire [5]. Nous man-
quons à ce jour d’arguments scientifiques for-
mels, mais ce phénomène s’explique probable-
ment par la sous-utilisation du Vastus Médialis
secondaire à la limitation des activités contrac-
tiles du quadriceps dans des secteurs proches
de l’extension. Ce processus peut entraîner une
fonte musculaire rapide avec une désynchroni-
sation de l’unité musculo-articulaire Vastus
Latéralis/Vastus Médialis Oblique [30]. Tout
en contre-indiquant l’hyperextension [31], ces
résultats vont dans le sens de nos protocoles de
rééducation qui font de la lutte contre le fles-
sum une priorité. Nous insistons particulière-
ment sur la lutte contre la co-contraction qua-
driceps-ischiojambiers avec l’apprentissage
dès le préopératoire d’exercices d’auto-con-
tractions isométriques du quadriceps. Nous
avons de plus introduit dans nos protocoles la
réalisation précoce d’étirements doux en chaî-
ne cinétique fermée des ischiojambiers au
moyen d’une planche à roulette. Comme le
propose Isberg, une des pistes de réflexion dans
l’avenir pourrait être l’introduction précoce,
uniquement en rééducation, de certains exerci-
ces en chaîne cinétique ouverte [32].
En termes de renforcement musculaire, l’ap-
port des appareils isocinétiques comme outil de
rééducation nous apparaît considérable car il
permet un renforcement spécifique du quadri-
ceps et des ischio-jambiers aussi bien en mode
concentrique qu’excentrique. Le quadriceps est
à l’heure actuelle considéré comme le muscle
responsable du syndrome rotulien fonctionnel.
Or, après reconstruction du LCA, quel que soit
le type de greffe et malgré des rééducations
bien conduites, c’est le quadriceps qui met le
plus de temps à récupérer [6]. Il nous paraît im-
portant de rappeler dans cet article quelques
principes biomécaniques du rôle joué par le
quadriceps sur la rotule [33]. La contraction
concentrique du quadriceps est essentielle pour
le verrouillage de la rotule, principalement pro-
che de l’extension où le vastus médialis joue un
rôle capital dans le centrage de la rotule. La
contraction excentrique du quadriceps est es-
sentielle dans les situations de surcharge de
l’articulation fémoropatellaire comme lors de
la descente des escaliers car il absorbe comme
un amortisseur la majeure partie du poids du
corps. Si le rôle du déficit des ischiojambiers,
dans les syndromes rotuliens après reconstruc-
tion du LCA, est plus discuté que celui du qua-
driceps [22, 34, 35], nous pensons qu’il ne faut
pas le négliger. Dans l’avenir, les objectifs de la
rééducation isocinétique pourraient à terme
s’étendre à la récupération du ratio agoniste/
antagoniste, mais à l’heure actuelle nos proto-
coles ne prennent pas en compte ce paramètre
dans les objectifs de rééducation.
Les limites de notre travail sont le caractère ré-
trospectif, la faiblesse de l’effectif, le caractère
subjectif de l’évaluation et l’absence de com-
paraison avec les techniques de rééducation
classiques. Notre méthodologie est critiquable,
car la population inclue n’est pas représentative
de toutes les douleurs antérieures après recons-
truction du LCA mais seulement des syndro-
mes rotuliens fonctionnels pris en charge par
isocinétisme.
Conclusion
Notre étude montre que l’isocinétisme après re-
construction du LCA est une technique qui per-
met une amélioration fonctionnelle considérable
dans les syndromes rotuliens fonctionnels résis-
tants aux techniques usuelles de rééducation.
A notre connaissance, il s’agit de la première
étude basée sur l’évaluation de l’isocinétisme
comme outil de rééducation dans les syndro-
mes rotuliens fonctionnels après reconstruction
du LCA. L’isocinétisme ne permet pas, à lui
seul, la régression des douleurs antérieures, en
revanche son apport comme catalyseur de la
rééducation en fait un outil indispensable en
complément des techniques classiques de réé-
ducation pour débloquer les situations d’échec
de ces dernières.