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MAITRISE ORTHOPEDIQUE
COMMENT ÉVITER LES REPRISES
: AIDE À LA COMPRÉHENSIONDES PRINCIPES DE CONCEPTIOND'UNE PROTHÈSE DE GENOU
LES 10 POINTS CLÉS DE LA CONCEPTION D’UNE
PROTHÈSE TOTALE DU GENOU (PTG) MODERNE
Thierry ASLANIAN
1
et le groupe KNEO
1
Groupe Lépine – Genay- France
Figure 1 : Prothèse totale de genou pos-
téro-stabilisée à plateau fixe KNEO
(Lépine, France).
I
ntroduction
Depuis le 1
er
janvier 1995 et
la mise en place de la pre-
mière directive 93/42/CEE
relative aux Dispositifs Médi-
caux (DM), la conception
d’un implant articulaire, doit
répondre aux nécessités et
contraintes du marquage CE,
en « démontrant sa conformi-
té et celle de son ancillaire aux
exigences essentielles pour que
son utilisation, dans les condi-
tions et aux fins prévues, ne
puisse compromettre l’état cli-
nique et la sécurité des patients
» (ainsi d’ailleurs que de ceux
qui le manipulent…).
Révisée 5 fois, la dernière ver-
sion dite « consolidée » du
21 septembre 2007 de ce texte,
est particulièrement explicite
en précisant que « la démons-
tration de la conformité aux
exigences essentielles doit
inclure une évaluation clinique ».
Cependant, une ultime révi-
sion complète de la régle-
mentation Européenne est en
train de s’achever avec, pour
objectif principal, un renfor-
cement de la sécurité sani-
taire et une harmonisation des
règles applicables aux DM au
sein de l’Union Européenne.
Elle a abouti à la publication,
le 5 mai 2017, d’un règlement
qui abroge et remplace les
directives historiques et vise,
en particulier, à améliorer et
harmoniser l’évaluation pré et
post mise sur le marché des
DM.
Dans les faits, l’objectif de
cette démarche (décrite préci-
sément dans le nouveau guide
MEDDEV 2.7/1 révision 4)
(1)
est de mener une stratégie de
recueil et d’analyse des don-
nées pertinentes permettant :
- de démontrer au moment de
la conception (avant l’obten-
tion du marquage CE) puis
- de vérifier, après son obten-
tion, la sécurité et la perfor-
mance clinique d’une prothèse
totale du genou (dans le cas qui
nous concerne) dès lors qu’elle
est utilisée conformément
aux informations fournies à
ses utilisateurs (indications et
contre-indications, précautions
d’emploi, matériel associé,…).
Ce guide (re)définit l’évalua-
tion clinique comme « une pro-
cédure méthodologiquement
appropriée et permanente de
génération, de collecte, d’éva-
luation et d’analyse de toute
donnée existante et publique-
ment disponible …et suppor-
tant un niveau de preuve cli-
nique suffisant au regard des
exigences essentielles de sécu-
rité et de performance ».
Par ailleurs, il est aussi impor-
tant de prendre en considéra-
tion la spécificité industrielle,
technique, et corollairement
clinique de chaque classe de ces
dispositifs médicaux et même
de chaque type d’implant arti-
culaire à l’intérieur de la classe
des implants orthopédiques.
C’est au final la combinaison et
le partage de :
1) l’histoire et l’expérience de
l’industriel dans la conception
d’une prothèse totale de genou
2) le besoin exprimé et argu-
menté de l’équipe de chirur-
giens « concepteurs »,
3) La collecte et l’analyse des
données techniques et cli-
niques de la littérature perti-
nente,
qui devraient contribuer au
succès clinique et marketing de
cet implant.
Nous avons tenté dans ce tra-
vail, d’appréhender les spé-
cificités rigoureuses, lors de
sa conception, de la prothèse
totale du genou KNEO, en
collectant de façon proactive
et analysant toutes les données
cliniques et non cliniques sus-
ceptibles de justifier 10 choix
de conception jugés fonda-
mentaux dans la conception
d’une prothèse totale du genou
de dernière génération (fig. 1).
et d’une cinématique amélio-
rées (ainsi que la propriocep-
tion) par la conservation du ou
des 2 ligaments croisés. Dans
cette éventualité, la tension
ligamentaire du pivot central
est plus difficile à gérer, ce qui
nécessite une précision opti-
male pour le respect de l’aligne-
ment et la restitution de l’in-
terligne articulaire natifs. De
plus, il existe une translation
antérieure paradoxale lors de la
flexion qui n’est pas physiolo-
gique. De ce fait, l’attractivité
de ce concept est contrebalan-
cée par la technique opératoire
spécifique et donc son utilisa-
tion désormais restreinte.
L’option de non conserva-
tion du pivot central impose
une postéro-substitution aux
niveaux tibial et fémoral. Le
rayon de courbure du compo-
sant fémoral fait très largement
débat : il existe des implants à
plusieurs rayons de courbure
et d’autres avec un rayon de
courbure unique. Le rayon de
courbure unique semble être
plus performant et moins sou-
mis à risque de dérobement. La
restauration de l’offset fémoral
postérieur est d’intérêt, comme
le non encombrement de l’es-
pace antérieur à l’origine de
limitation de la flexion et de
possibles douleurs antérieures.
La collaboration Cochrane
comparant, lors d’une revue
systématique et méta-analyse,
le recul de prothèses totales du
genou à conservation ou non
du ligament croisé postérieur
(3)
ne montrait pas de supério-
rité d’une option sur l’autre. Il
nous semble qu’en l’état actuel
le rapport bénéfices/risques de
l’efficacité clinique de l’implant
n’est pas en faveur des pro-
thèses à conservation. Cepen-
dant, la conception de l’implant
(et en particulier le dessin du
composant fémoral) peut anti-
ciper une éventuelle extension
de gamme qui permettrait une
adaptation des autres caracté-
S’il est bien sûr évident que
seul un protocole d’évalua-
tion clinique adapté et conduit
après l’obtention du marquage
CE et la mise sur le marché du
produit, permettra de confir-
mer la pertinence et la sécurité
de ces choix, il nous a semblé
utile (et pédagogique) de vous
faire partager la construction
de cette démarche.
1)
Postéro-stabilisation
ou conservation
du ligament croisé
postérieur ?
Le premier point clé lors de
la conception d’une prothèse
totale du genou est le choix
de la conservation ou du sacri-
fice du pivot central. En effet,
les prothèses à conservation
du (ou des) ligament(s) croi-
sé(s), bénéficient pour cer-
taines d’entre elles de résultats
très satisfaisants, comme le
démontre Pritchett
(2)
avec un
taux de survie rapporté par
les auteurs de 89 % à 23 ans
pour toutes causes de révi-
sion confondues. Ces résultats
laissent augurer d’une stabilité
BIOMÉCANIQUE